Les propos haineux -racistes, homophobes, antisémites- se répandent sur le net et déferlent quotidiennement sur les réseaux sociaux. Comment en tarir la source et bloquer la propagation ? Comment décourager et punir les auteurs ? Comment soutenir et accompagner les victimes ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles nous avons taché de répondre ce 1er février, lors d’une réunion organisée par Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat chargé du Numérique et Marlène Schiappa, Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Voici ce que nous demandons :
1. Exprimer sans délai une forte volonté politique
Les victimes d’actes ou de propos haineux font état de conditions d’accueil très aléatoires dans les postes de police. Trop souvent elles ne sont pas prises au sérieux. Trop souvent la police refuse même d’enregistrer leurs plaintes.
Nous souhaitons que soit données des instructions très fermes pour que les victimes soient mieux accueillies et mieux entendues dans les commissariats. Toutes les plaintes doivent être enregistrées. Le dépôt de plainte doit également être facilité par la généralisation des procédures électroniques.
Mais l’enregistrement ne suffit pas car le plus souvent les plaintes sont classées sans suite.
Nous souhaitons que des instructions soient transmises aux parquets afin que les plaintes soient instruites et que des poursuites soient engagées lorsque le délit est constitué.
Le 17 janvier 2017, avec les associations STOP HOMOPHOBIE et MOUSSE ainsi que le Cabinet Deshoulières, nous avons déposé 213 plaintes. Cette action massive avait pour objectif de marquer les esprits. Voir l’article.
Mais au quotidien, il ne relève pas de la mission de notre réseau de nous substituer aux pouvoirs publics pour veiller au respect de la loi.
Nous souhaitons que le police et la justice exercent une veille en matière de propos haineux sur les réseaux sociaux, comme elles le font pour tous les autres domaines relevant de l’ordre public, et qu’elles engagent de leur propre initiative les procédures pénales nécessaires.
Enfin, lorsque la victime a pu déposer sa plainte et que celle-ci est instruite, trop souvent les peines prononcées sont incroyablement légères au regard des faits.
Nous souhaitons que des instructions soient données aux procureurs de requérir les condamnations les plus lourdes et de faire systématiquement appel lorsque les sanctions prononcées sont trop faibles. Nous demandons également que la possibilité de peines plancher soit envisagée en cas de récidive. Nous mettrions ainsi un terme aux agissements de ces spécialistes de l’homophobie qui déversent quotidiennement leur haine devant des auditoires toujours plus nombreux, persuadés malheureusement à juste titre, qu’ils ne risquent rien ou si peu…
Pour l’essentiel, ces mesures ne requièrent aucun texte supplémentaire. Il n’est pas besoin de nouvelle loi. Cela peut être mis en œuvre immédiatement.
2. Inverser la charge de la preuve pour en finir avec l’anonymat et l’irresponsabilité
Les propos haineux sont le plus souvent publiés sous pseudonyme. Pour punir leurs auteurs, il faut d’abord les identifier. Cela est possible grâce à l’adresse IP qui indique l’identité de la connexion utilisée et par là, le nom du titulaire de l’abonnement internet. Mais en l’état actuel du droit, celui-ci peut se réfugier derrière la pluralité des utilisateurs de la ligne pour nier les faits et échapper à sa responsabilité. Dès lors, faute d’avoir pu être identifié avec certitude, le coupable reste impuni.
Nous souhaitons que la charge de la preuve soit inversée, comme cela a été fait pour les excès de vitesse ou le téléchargement illégal : c’est le titulaire de l’abonnement qui devra prouver que les propos incriminés ne sont pas de son fait. A défaut, c’est lui qui en sera tenu pour responsable.
3. Obliger les plateformes internet à respecter la loi
Les plateformes internet ne peuvent pas voir leur responsabilité engagées chaque fois que des propos interdits y sont publiés. Mais les textes prévoient que lorsque des propos contraires à la loi leur sont signalés, elles doivent assurer une modération et, s’il y a lieu, les supprimer. A défaut, elles en deviennent co-auteur et leur responsabilité est engagée. Mais ce travail de modération coûte cher. Bien plus cher que le risque pénal qu’elles encourent à ne pas respecter leur obligation de modération.
Nous souhaitons que le risque pénal soit sensiblement augmenté en créant des amendes très lourdes à l’égard des plateformes qui ne satisfont pas à leurs obligations légales de modération. Nous souhaitons que la loi française s’inspire de la loi allemande qui a récemment créé une amende pouvant aller jusqu’à 50 millions d’euros pour les sites internet qui ne supprimeraient pas dans un délai très bref (24 heures pour l’essentiel) les publications répréhensibles qui leur auront été signalées.
Personnes présentes
. Mounir Mahjoubi, Secrétaire d’Etat
. Marlène Schiappa, Secrétaire d’Etat
. Laetitia Avia, Députée
. Frédéric Potier, Délégué interministériel à la lutte contre le racisme,
l’antisémitisme et la haine anti-LGBT
. Association Mousse
. Association Stop Homophobie
. Association Urgence Homophobie
. Cabinet Deshoulières
. Pour le Réseau des Avocats, Médecins et Notaires Gay-friendly :
. Maître Marine Sery, avocate à Paris
. Maître Caroline Elkouby Salomon, avocate à Paris
. Stéphane Cola, fondateur du Réseau
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