La plupart des personnes homosexuelles ou bisexuelles pensent que pour vivre heureux au travail, il faut vivre caché.
On estime ainsi que deux tiers d’entre elles ne souhaitent ne pas être visibles sur leur lieu de travail par crainte de conséquences négatives.
Cette majorité silencieuse cache son homosexualité, se coupe volontairement de ce qui constitue usuellement la base de bonnes relations sociales au travail (événements avec conjoints, récits de vacances, photos des proches en fond d’écran…), voire s’invente une vie plus conformiste.
Elle minimise bien souvent le mal-être, la souffrance au travail ou les difficultés professionnelles qu’une telle attitude peut engendrer, et renonce à certains droits (congé pour PACS ou mariage, avantages familiaux, extension du bénéfice de la mutuelle…) pour prix de la paix.
Il est vrai que l’homophobie au travail est encore bien présente et n’incite pas à y évoluer plus librement : on estimait ainsi en 2014 que 85% des comportements homophobes n’avaient pas entraîné de conséquences pour leurs auteurs dans l’entreprise, parfois en raison même de l’autocensure à laquelle se livrent lesbiennes, gays et bisexuels, tant sur leur orientation sexuelle que sur les infractions dont ils sont victimes.
Rien ne justifie pourtant ce niveau de tolérance élevé à l’adversité des salariés homosexuels ou bisexuels, et d’autant moins que la loi a prévu différentes manières de lutter contre l’homophobie au travail.
Tout d’abord, il existe une interdiction générale de toute discrimination directe ou indirecte, prévue par la loi « portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire » (Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008), qui précise que :
Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.
Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés précédemment, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
La discrimination inclut :
1° Tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;
2° Le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement prohibé par l’article 2.
Puis, en droit du travail et en droit pénal, l’interdiction de toute discrimination, dont celle à raison de l’orientation ou de l’identité sexuelle, est réaffirmée aux articles L. 1132-1 du code du travail, 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et 225-1 et 225-2 du code pénal, afin notamment de contrer les décisions patronales défavorables dictées par l’homophobie. A noter que depuis 2012, ces textes visent non seulement les discriminations liées à l’orientation sexuelle de la victime, mais également celles qui sont commises en raison de son identité sexuelle, afin d’étendre leurs dispositions aux personnes homosexuelles comme aux personnes transsexuelles ou transgenres.
De plus, parmi les agissements discriminatoires, sont particulièrement sanctionnés le harcèlement moral (article L.1152-1 du code du travail, article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 et article 222-33-2 du code pénal), ou sexuel (article L.1152-2 du code du travail).
En outre, afin de favoriser la lutte contre ces infractions, les textes prévoient une protection contre les représailles subies par une victime ou un témoin ayant dénoncé une discrimination ou un harcèlement (articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail, article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 et article 3 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008).
Enfin, il est prévu une obligation de prévention et de sécurité des employeurs (article L.1152-4, L. 4121-1 du code du travail et article 3 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982), qui est appréciée très sévèrement puisqu’en cas de harcèlement moral, la jurisprudence considère que l’absence de faute de l’employeur ne peut l’exonérer de sa responsabilité (Cass. Soc. 21 juin 2006, n° 05-43914).
La prohibition de toute discrimination, dont fait partie le harcèlement, est donc un principe fondamental du droit positif en général et du droit du travail en particulier, étayé par plusieurs textes et volontiers appliqué par les juridictions.
Il ne faut pas hésiter à le faire respecter.
Aurélie Berthet, Avocat gay-friendly à Paris
2 bis, rue Guénégaud
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