L’ouverture du mariage gay entraîne, via l’adoption, la possibilité pour le « parent social » (le compagnon ou la compagne du parent biologique ou du premier parent adoptif) de revendiquer le statut de parent, tout court. Ses droits sont alors exactement les mêmes que ceux de n’importe quel parent.
Toutefois, il est des situations dans lesquelles le parent social conservera ce statut distinct du parent « tout court » : lorsque le juge aura refusé l’adoption (ce qui ne peut pas être exclu au regard de certains modes de conception des enfants qui, pour la loi française, constituent des fraudes), lorsque l’enfant aura déjà deux parents (cas d’un enfant né par coparentalité) ou lorsque le mariage ne sera pas souhaité, notamment parce que le parent social sera séparé du parent biologique.
Dans toutes ces situations dans lesquelles le parent social n’aura pas reçu la qualité juridique de parent, ses droits sont réduits, mais ils existent.
1. La délégation-partage d’autorité parentale (DPAP)
La DPAP permet au parent social d’être titulaire de l’autorité parentale envers l’enfant, exactement comme l’est le parent biologique. Toutefois, il n’y a pas de création d’un lien de filiation (pas d’héritage, pas de droit à consentir à l’adoption de l’enfant, pas d’obligation alimentaire réciproque).
Etre titulaire de l’autorité parentale permet au parent social d’effectuer légalement tous les actes courants et de prendre les décisions importantes.
En partageant cette autorité avec le parent biologique (ou avec les parents biologiques lorsque l’enfant a déjà deux parents), le parent social est acteur à part entière de la vie de l’enfant : il doit aussi être consulté par les parents pour prendre les décisions.
Cette DPAP n’est pas un gadget : si l’accord du ou des parents biologiques est nécessaire (la requête est d’ailleurs déposée au nom du parent qui demande la délégation pour son compagnon), seul le juge peut la retirer : le parent social n’est donc pas soumis à la bonne volonté du parent biologique, notamment en cas de séparation.
La DPAP peut être demandée même lorsque l’enfant est né en coparentalité et a donc un père et une mère : la Cour de cassation avait réduit la possibilité de demander la DPAP lorsque l’enfant n’avait qu’une seule filiation, mais cette position est illégale et les Tribunaux, notamment en Ile de France ou à Marseille, appliquent le texte et l’autorisent lorsqu’il y a deux parents.
Si les deux parents ne sont pas d’accord, la requête peut quand même être déposée par un seul des deux parents, mais il est évident que cela affaiblit le dossier.
Enfin, cette DPAP peut être demandée même après séparation, lorsque tout le monde s’entend bien et souhaite maintenir les liens avec les enfants : les premières décisions ont même été rendues spécialement en raison de la séparation.
2. Le droit de visite et d’hébergement (DVH)
Le parent social peut revendiquer un droit de visite et d’hébergement de l’enfant. Cette situation implique, par hypothèse, l’existence d’une séparation.
Si la séparation se passe bien, le DVH peut être accordé amiablement et être homologué par le juge.
Lorsque le DVH est accompagné d’une demande de DPAP (cf le 1er paragraphe), le parent social dispose d’un vrai statut : droit de partager la vie quotidienne de l’enfant et de prendre les décisions.
La loi sur le mariage gay a renforcé ce droit en définissant plus précisément la personne qui peut le demander : il s’agit de tout tiers, parent ou non, et « en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables ».
La représentation par avocat est obligatoire pour assigner le ou les parents biologiques qui refuseraient ce droit.
Aujourd’hui, d’importants contentieux sont en cours lorsque le parent biologique refuse, après séparation, de laisser « ses » enfants continuer à voir leur parent social. Il est alors indispensable de prouver la réalité du lien qui unit les enfants et leur parent social.
Cette action est très importante et peut mener à octroyer au parent social un droit de visite et d’hébergement qui peut être très large et conduire à une véritable garde alternée. Elle ne concerne bien sûr que les enfants mineurs.
Une fois ce droit octroyé, le parent biologique qui refuserait de respecter la décision commettrait une infraction pénale, exactement comme lorsque des parents divorcés refusent de respecter la « garde » de l’autre parent.
Il est d’autant plus fondamental d’exercer cette action que celle-ci conditionne l’action suivante : l’opposition à adoption.
3. L’opposition à adoption par le nouveau conjoint du parent biologique
Voici une disposition très particulière de la loi sur le mariage gay.
Lorsque les parents biologique et social se seront séparés avant la loi, ils ne se seront donc pas mariés.
Or, le parent biologique pourrait se marier avec un nouveau conjoint et proposer à ce nouveau conjoint d’adopter son enfant : le « vrai » parent social se retrouverait alors complètement écarté puisque ses enfants auraient un autre parent légal.
La loi permet donc au parent social « d’origine » de faire respecter son lien en bloquant l’adoption des enfants par le nouveau conjoint.
Certes, cela ne lui permet pas pour autant de créer un lien de filiation entre lui et ses enfants et cela condamne les enfants à n’avoir jamais qu’un seul parent légal.
Mais au moins cela permettra t il d’éviter qu’un nouveau conjoint ne vienne effacer le lien entre les enfants et le parent social en revendiquant la qualité de parent légal.
Pour ce faire, le parent social doit s’opposer à l’adoption dont il a connaissance (le parent biologique qui « oublierait » de prévenir le juge qu’il existe un parent social dans la nature commettrait une fraude qui pourrait remettre l’adoption en cause).
Mais pour éviter que n’importe qui ne se revendique parent social dans le seul but de bloquer l’adoption par le nouveau conjoint, la loi a prévu une condition : le parent social qui a le droit de s’opposer devra avoir, préalablement, obtenu la reconnaissance par le juge d’un droit de visite et d’hébergement, comme vu dans le paragraphe précédent.
Si vous souhaitez obtenir plus de renseignements, vous êtes invités à prendre attache avec votre avocat.
Maître Florent Berdeaux-Gacogne
Avocat au Barreau de Paris
Docteur en Droit
17 bis, rue Legendre
75017 Paris
Tel : 01 84 16 37 06
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