Point d’actualisation sur la GPA en France, par Noémie Houchet-Tran, Avocat Gay-friendly à Paris
Il ressort toujours des articles 16-7 et 16-9 du Code civil que toute convention portant sur une gestation pour autrui est nulle et que cette nullité est d’ordre public.
S’agissant néanmoins de la transcription sur les registres français des actes de naissance d’enfants nés par gestation pour autrui à l’étranger, la jurisprudence a beaucoup évolué ces dernières années.
Le 6 avril 2011, la Cour de cassation avait ainsi sanctionné ce procédé en indiquant que la mère était nécessairement celle qui avait donné naissance à l’enfant, donc la mère porteuse. La transcription de l’acte avait ainsi été refusée au motif que l’acte de naissance indiquait la mère d’intention et non la mère porteuse comme la mère de l’enfant. Par deux arrêts du 13 septembre 2013, la Cour de cassation avait même validé l’annulation d’une reconnaissance de paternité pourtant conforme à la validité biologique, en invoquant la fraude.
Après cette période difficile, la position s’est largement assouplie depuis la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme le 26 juin 2014 au visa de l’article 8 de la Convention.
Voici les principaux textes et décisions utilisées pour solliciter la transcription :
Articles 310-1 et suivants du code civil : “la filiation s’établit notamment par la reconnaissance paternelle et maternelle. La maternité peut être contestée par le ministère public en rapportant la preuve que la mère n’a pas accouché de l’enfant ; la paternité peut l’être en établissant que l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père.”
Article 18 du code civil : “un enfant est français lorsqu’au moins l’un de ses parents est français.”
Article 47 du code civil : “l’acte d’état civil d’un Français fait dans un pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.”
Décret du 3 août 1962 : “un ressortissant français dont l’acte d’état civil a été dressé à l’étranger peut le faire transcrire sur les actes de l’état civil français.”
Circulaire NOR JUSC1301528C, 25 janv. 2013 (Dr. fam. 2013, comm. 42, C. Neirinck) : autorise la délivrance d’un certificat de nationalité française à tous les enfants nés d’une gestation pour autrui. Cette circulaire a été validée par le Conseil d’état (CE, 12 déc. 2014, n° 367324 : JurisData n° 2014-030462 ; Dr. fam. 2015, comm. 30, C. Neirinck). Cette possibilité a également été rappelée récemment dans une réponse ministérielle du 3 mai 2016 n°71799.
Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 26 juin 2014 MENNESSON C/ France : l’interdiction de la GPA n’est pas contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le refus de transcrire un acte de naissance établi à l’étranger au motif que cette naissance est le fruit d’une GPA est compatible avec le droit au respect de la vie familiale.
En revanche, la CEDH a considéré que le refus de transcrire la filiation des enfants à l’égard du père biologique, telle qu’elle apparaît sur l’acte étranger, constitue une atteinte disproportionnée à la vie privée des enfants, vie privée protégée par l’art. 8 de la Convention. En effet, chacun doit pouvoir établir les détails de son identité d’être humain, ce qui comprend sa filiation.
Arrêt Assemblée Plénière de la Cour de cassation n°14-21323 et Arrêt Assemblée Plénière de la Cour de cassation n°15-50002 du 3 juillet 2015 : les actes de naissance dont la transcription est demandée mentionnent comme père celui qui a effectué une reconnaissance de paternité et comme mère la femme ayant accouché, c’est-à-dire la mère porteuse.
Dès lors, les règles de transcription sur les actes de l’état civil français, interprétées à la lumière de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, doivent s’appliquer au cas d’espèce. La théorie de la fraude ne peut donc faire échec à la transcription de l’acte de naissance.
La Cour de cassation a rappelé que « les espèces soumises à la Cour de cassation ne soulevaient pas la question de la transcription de la filiation établie à l’étranger à l’égard de parents d’intention ».
Pour la mère ou le père d’intention, la solution la plus plausible jusqu’ici était alors l’adoption plénière de l’enfant du conjoint permise par l’article 345-1 du Code civil, ce qui revient à adopter son propre enfant.
Deux avis de la Cour de cassation en date du 22 septembre 2014 indiquent clairement que le recours à la procréation médicalement assistée ne doit pas faire obstacle à l’adoption par le conjoint du parent biologique. Cet avis a ensuite été entériné par la jurisprudence de la Cour, notamment par les arrêts du 5 juillet 2017.
Le Tribunal de grande instance de Nantes, par jugement du 14 décembre 2017, N°16/04096 a ainsi ordonné la transcription totale de l’acte de naissance ukrainien d’un enfant issu d’une gestation pour autrui en ce qu’il mentionnait comme parents son père et sa mère d’intention.
Par jugement du 8 mars 2018, le Tribunal de Grande Instance de Nantes a réitéré sa jurisprudence en ordonnant la transcription complète de l’acte de naissance américain d’un enfant issu de GPA en ce qu’il mentionnait cette fois-ci un double lien de filiation paternelle.
Il semble désormais que le Parquet, lorsque toutes les conditions sont réunies, ordonne désormais la transcription complète des actes de naissance étrangers et ce dans l’intérêt de l’enfant.
Maître Noémie HOUCHET-TRAN
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